Ô Macabre Océan

Ô macabre océan

   Mais qu'ai-je fait pour être là, pourquoi de telles choses peuvent arriver, ô bel océan faiseur de vagues pourquoi es-tu si cruel ? Pourquoi les créatures marines sont-elles si belles, au point de point de faire rêver les humains ?

   Hier matin, aux côtes de Brest, j'ai trouvé cette jeune femme aux cheveux salés par la mer, aux habits gris et humides ainsi qu'au teint pâle de froid accrochée aux rochers bordant l'océan. Le même océan s'étant déchaîné la veille. Quand je me suis approché d'elle, pensant secourir une malheureuse naufragée, elle m'a pris le bras avec une troisième main sortant de je ne sais où. Pour enfin m’entraîner vers les abysses, m'agrippant le torse avec sa gueule aussi dentée qu'une scie.

   C'était une sans visage. Les sans-visages sont pourtant décrites comme des sirènes dans les contes traditionnels qu'on nous a tous racontés. Et que les sirènes sont de bienveillantes monstruosités. Mais j'avais bien compris que ce qui m'attendait sous les eaux, était un bien funeste destin. Le monstre m'a jeté dans une cage rouillée, et je suppose que c'est cette cage bordée de multiples engins grinçants d'écume noire qui me permet de respirer.   Aujourd'hui, j'attends, en regrettant un mal que je n'ai pas commis. En regrettant d'avoir été dupe. En observant les rouages pourrissant par milliers dans la machine s'évaporant en poussière marine devant moi. Ma cage étant bordée par d'autres, je pense ne pas être seul dans cette prison aquatique. Malheureusement, je ne peux voir mes compagnons de trou, sinon par de vagues silhouettes à travers le hublot de ma cellule. Une habitude s'est installée au bout de quelques heures ici. Chaque cage tombe une à une dans le vide indicible des abysses au-dessus des quelles je suis. Chaque seconde est accompagnée par les cris de souffrance et de désespoir troublés par les eaux des détenus tombant dans le vide. Chaque sifflement précédant la tombée d'une cage, danse avec la peur que ce soit notre tour. Chaque mouvement étant surveillé par les mille yeux sinistres qui nous guettent dans le noir. Ces yeux possédant sûrement les gueules où je finirais certainement en morceaux après avoir été changé en pâture, par ce subaquatique abattoir, aux profits culinaires des sans-visages.