1-Braquage à l'indienne

Il allait bientôt être midi dans cette rue de la City. Ravi Singh se savait à deux doigts de la fortune… ou de la prison. Mais en tout cas, quoiqu’il arrive, il ne s’occuperait plus de ces foutues photocopieuses, ça il se l’était juré. Son patron avait beau lui dire qu’il était doué pour réparer ces engins, Ravi se savait destiné à quelque chose de bien plus fort. La vie d’un immigré indien à Londres ne valait pas grand-chose et il fallait parfois forcer son destin.

Big Ben se mit à réciter sa litanie cristalline avant les douze coups qui allait déverser les banquiers en costume, les jeunes traders aux dents longues et autres employés de la City. Ravi s’était tellement répété le plan qu’il démarra comme dans un état second. Il n’y avait plus à réfléchir.

Prenant le flux à contre-courant, le jeune homme pénétra dans la banque sans que le vigile ne le remarque outre-mesure, à part un hochement de tête. Les sacro-saintes photocopieuses de l’Union Bank of London devraient cracher leurs feuilles de papier dès 13 heures 30 quitte à accélérer encore plus la déforestation amazonienne. Ravi continua son chemin tandis que les portes de la banque se fermaient ; il n’était qu’à une petite heure de son changement de vie.

Les vigiles de l’Union Bank ignoraient tout du jeune indien et même ils le voyaient plus comme un réparateur de photocopieuses consciencieux et sans histoire, allant même jusqu’à lui accorder une certaine confiance. Malheureusement pour eux, son sens de l’observation et sa faculté à concevoir des plans rendaient Ravi plus dangereux que ne le présageait son sourire engageant.

L’escalier fut dévalé en quelques secondes. Les vigiles se préoccupaient plus de la sortie des personnes et de leur repas que de la déambulation d’un réparateur. La salle des coffres était ouverte comme d’habitude. Vite. Le double de la clef dérobée dans le bureau du directeur et celui fabriqué en dupliquant la clef de coffre d’un gros ponte de la finance à son bureau se retrouvèrent dans les mains de Ravi. Il se planta devant le coffre 167. Le jeune indien d’origine le savait, il n’avait qu’une seconde pour mettre les deux clefs dans le coffre. Le moindre décalage supérieur déclencherait l’alarme et les feux de l’enfer s’abattraient sur lui. Sans trembler, il introduisit les deux clefs et les tourna d’un quart de tour sur la gauche. Rien. Le jeune indien n’entendait que sa respiration et la pulsation de son cœur qu’il ne parvenait pas à faire ralentir.

Ravi compta mentalement. A sept, il ouvrit la petite porte du coffre-fort. Il en sortit une boîte pas trop grande ni trop lourde qu’il posa sur la table derrière lui. Vite. Ravi n’entendait aucun bruit dans la banque. Les gants qu’il avait enfilés faillirent lui faire lâcher le couvercle de la boîte. Cette dernière s’ouvrit enfin. Ils étaient là ; comme prévu ; La promesse d’une nouvelle vie. Cent soixante-quatorze diamants de la plus belle eau et d’un tel éclat qu’ils semblaient surpasser la lumière ambiante.

- Et vous pensiez que cela serait aussi facile, jeune homme de bonne famille ? » La lumière émise provenait simplement d’un coin de la salle des coffres. Sur la chaise qui se trouvait là, une sorte d’aura lumineuse se formait et une silhouette humaine commençait à se dessiner. La voix spectrale reprit dans une sorte de rire :

- Alors les photocopieuses n’étaient pas assez bien pour toi. Il a fallu que tu essaies de passer au stade supérieur. Tu sais que tu n’avais aucune chance ? »

La femme qui était à présent complètement visible sur la chaise de coin, tenait le plus gros flingue qu’il n’avait jamais vu. La femme était une muta-humaine du nom de « Fade », possédant la capacité de se rendre invisible notamment. C’est une mercenaire qui se fait payer grassement sa furtivité pour garder la salle au trésor, au cas où les petits malins comme Ravi s’essaient à se croire plus malins que ce qu’ils sont. La ravissante jeune femme blonde au costume semi-translucide, qui voit apparaître son corps au fur et à mesure, parla à son poignet : « J’ai chopé le p’titt malin, vous pouvez descendre ! »

Ravi ne savait pas quoi faire. Alors qu’il esquissait un geste pour partir, la femme sourit et elle appuya sur la détente de son arme. Ravi vit les deux dards arriver comme au ralenti puis ressenti la puissance du choc électrique lorsqu’il se fit toucher.

La première chose que le jeune homme remarqua avant de tomber, ce fut le sourire qui s’évanouissait sur le visage de la femme pour y laisser la place à l’incrédulité. Alors qu’il n’en finissait pas de tomber, il remarqua autre chose. Il y avait à présent un monde fou dans cette salle des coffres. Au moins une dizaine de personnes et bizarrement, toutes avaient les mêmes paires de basket que lui. Avec cette même trace noire qu’il n’arrivait pas à enlever sur les siennes.

Difficilement, il se tourna et dans un brouillard de douleur, vit la chose la plus improbable qu’il puisse imaginer. Une demi-douzaine de Ravi Kapoor aussi vrais que nature qui s’éparpillait dans tous les sens. La femme toujours assise sur sa chaise recommença à luire et les contours de sa silhouette à s’estomper tandis qu’elle s’égosillait dans son poignet : « Rouge. Rouge. C’est un muta, un réplicant, homme-multiple. Bloquez tout. »

Ravi se sentit soulevé par des mains qui portaient toutes la même bague que lui. Une voix qui était la sienne lui dit d’essayer de se mettre à courir. Trop tard ! Les vigiles accouraient de tous sens. Les balles sifflaient. Mais à chaque fois que l’une d’entre elles allaient l’atteindre, un Ravi venait se mettre devant et il disparaissait dans une flaque de lumière. Le vrai Ravi se trouvait à présent au milieu d’une quinzaine d’autres lui-même. Inconsciemment, il produisait des clones de lui-même en série et cela déboussolait complètement les vigiles qui tiraient à qui mieux mieux dans le tas car éblouis par une intense lumière. (Replikhan, Ravi Singh, émet des flashes aveuglants de lumière quand il s’auto-duplique) Plus les tireurs se servaient de leur arme de service et plus les Singh semblaient être plus nombreux à courir dans tous les sens.

Arrivé à la porte de derrière, Ravi ou l’un des lui-même fit rapidement le code de sortie qu’il avait mémorisé quand l’un des employés l’avait fait sortir un mois auparavant : 9149. La porte ne s’ouvrit pas ! Le code avait été changé ! Ravi avait perdu et il sentait déjà les barreaux de la prison se refermer sur lui. Il leva les bras et s’assit par terre. Calme, serein. Il tourna la tête pour voir que les autres Ravi se dirigeaient vers lui afin de recouvrer le corps de l’original. Bientôt, Ravi se retrouva seul pour faire face aux vigiles qui le maintenaient en joue.

Au bout de longues heures enfermé dans un bureau de la police, Ravi commençait à désespérer quand un homme entra. Il portait un costume sur mesure. La coupe de cheveux, le bronzage et les bijoux laissaient entrevoir que l’homme faisait partie de la haute. Sa voix grave plût instantanément à Radj lorsqu’il se présenta : « 

- Bonjour. Je m’appelle Rupert Engleton. Je suis un des assistants humains du Sceptre. Il semblerait que vous soyez en mauvaise posture mais ne vous inquiétez pas, je suis habitué.

- Je me nomme Ravi Singh et je voulais avant tout m’excuser de ce que j’ai fait, j’ai été trop tenté. Je n’en peux plus de voir des gens qui ont une vie tellement plus intéressante que la mienne. Alors j’ai été tenté, je vous en prie, Mons….

- Du calme, petit, coupa . Tu risques d’avoir maintenant une vie aussi intéressante que celle dont tu rêvais. A une condition.

- Laquelle ?

- Celle de bien m’écouter. Et de bien m’obéir. Toi et tous tes… heu… clones? »

Texte de Omer Jawal Dalort

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